dimanche 7 octobre 2012

En finir avec les exonérations de cotisations sociales

Depuis vingt ans, la compétitivité n'est envisagée que sous l'angle des charges: "Trop de charges pèsent sur les entreprises et placent les entreprises françaises en mauvaise position sur les marchés internationaux" nous répètent patronat et gouvernement Ayrault comme Fillon. Et le gouvernement du changement ajoute l'exonération à l'exonération.

Le patronat parle de coût du travail, la CGT parle du coût du capital. Depuis vingt ans les cotisations patronales sont largement amputées sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC, soit la moitié des salaires. Avant d'examiner la mécanique, sa dimension et ses effets de la politique de l'emploi menée depuis vingt ans, rappelons le système qui finance la protection sociale.

La protection sociale repose à l'origine entièrement sur les salaires. Les salariés prélèvent une cotisation salariale sur leur salaire brut pour financer la sécurité sociale, l'entreprise complète le salaire avec la cotisation patronale. L'ensemble salaire brut et cotisation patronale constitue la masse salariale, une charge qui pèse sur le chiffre d'affaire avec la rémunération des fournisseurs et le remboursement des dettes. Les actionnaires groupés en société prélèvent leurs dividendes sur la valeur ajoutée. Bien que cela diminue d'autant la capacité de financement de l'entreprise, ce prélèvement n'est pas une charge, selon la comptabilité.

Entreprise et salariés contribuent au financement de la sécurité sociale à l'origine
Salariés, actionnaires et entreprise financent l'Etat au travers des impôts, un euro de dividende étant moins taxé qu'un euro de salaire dans bien des cas. Le gouvernement Ayrault semble tenir tête aux pressions de la droite et vouloir taxer les dividendes de la même manière que les salaires.

Dividendes et investissement
A force de crier au coût du travail, le patronat a obtenu des réductions de charges: exonération des cotisations sociales patronales sur la moitié des salariés, depuis vingt ans près de 500 Md€, chaque année autant que les recettes de l'impôt sur le revenu. L'objectif était de favoriser les investissements. Seuls les dividendes en ont profité.

Bien sûr, la sécurité sociale ne pouvait pas supporter un tel prélèvement. L'Etat devait compenser. Il le fit avec la CSG payée sur les revenus du capital et du travail. Mais le travail contribue pour plus de 80%. Ce sont donc les salaires nets qui compensent les exonérations de cotisations sociales des entreprises.

En partie non compensées, ces exonérations ont rendu nécessaire l'appel aux marchés financiers. Ces dettes devenant trop lourdes, la RDS s'est ajoutée à la CSG. Toujours au nom de la baisse des coûts, les salaires sont contraints, l'emploi est précarisé, le contrat de travail transmuté en contrat commercial au travers de la sous-traitance, les recettes de la sécurité sociale deviennent insuffisantes.

La sécurité sociale ne parvient plus à équilibré ses comptes, en partie à cause de l'évolution des dépenses, mais beaucoup à cause du défaut de recettes
Les salaires compense les exonérations de cotisations sociales d'entreprise,
mais l'investissement n'en profite pas autant que les dividendes.
On sait combien le nom du syndicat patronal entretient la confusion entre l'intérêt de l'entreprise et celui de la société, association d'actionnaires (voir le modèle bipolaire de l'entreprise). On sait combien la "corporate governance" parvient à mettre le collectif de travail au service de la valeur pour le plus grand profit des actionnaires.

Le gouvernement continue d'exonérer pour sa politique de l'emploi (le contrat de génération) et pour sa politique de compétitivité (comment la gauche a évolué). Il puise dans les salaires nets au risque de renforcer l'austérité de sa politique d'équilibre budgétaire.

La CSG entreprise supprime la charge comptable des cotisations sociales et libère le salaire net.
En calculant les cotisations sociales de l'entreprise sur la valeur ajoutée, les entreprises contribuent selon leur capacité, l'emploi n'est pas défavorisé. 

Plus l'économie est développée, plus l'activité est salariée.
Souvent la fiscalisation de la protection sociale est acceptée avec l'idée de son caractère universel. Mais ce caractère universel est surtout dû à la généralisation du salariat dans la population active. En France, plus de 90% des actifs sont des salariés. Ce n'est pas une bizarrerie française, c'est la marque de la maturité de la société française. Plus le pays est développé, plus l'activité est salariée.

La protection sociale est bien majoritairement financée par une cotisation sociale salariée prélevée sur les salaires et une cotisation sociale entreprise. La fiscalisation de la protection sociale déplace la plus grande masse des cotisations sociales entreprise sur le salaire net. Elle fait des non salariés, pour une contribution minimale adoucie par la confiscation des exonérations, de véritables coucous.

Le remplacement du système actuel par une CSG entreprise permet de supprimer les charges sociales qui pèsent sur son chiffre d'affaire et de la faire contribuer à la protection sociale selon la valeur ajoutée qu'elle produit modulée selon sa contribution à l'emploi, à l'investissement et à l'exportation.

Il est temps d'intervenir et de ne pas s'en remettre à nos élus sans discuter, fussent-ils de gauche.