vendredi 27 novembre 2009

Le nouveau paquet télécoms de l'Union européenne

Le parlement européen vient d'adopter à une très large majorité l'accord réalisé avec le conseil des ministres des télécommunications et la commission.

Ce nouveau paquet telecoms prend douze mesures principales:
1 - droit des consommateurs à changer d'opérateur fixe ou mobile en un jour ouvrable tout en conservant l'ancien numéro,
2 - meilleure information des consommateurs sur les services de leur abonnement,
3 - respect des droits fondammentaux des citoyens (libertés et droits fondamentaux des citoyens tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes généraux du droit communautaire) par toute mesure prise par un état membre concernant l'accès à des services et applications ou leur utilisation par des réseaux de télécommunications,
4 - élargissement du choix des consommateurs européens en matière de fournisseurs concurrents de services haut débit,
5 - protection des données personnelles des consommateurs et lutte contre le pollupostage (spam),
6 - meilleur accès aux services d'urgence avec le 112,
7 - indépendance accrue des autorités nationales de régulation des télécommunications,
8 - nouvelle instance européenne de régulation pour une concurrence équitable et une cohérence accrue de la réglementation sur les marchés des télécommunictions,
9 - mise sous tutelle européenne exercée par la commission des autorités nationales sur leurs mesures de régulation,
10 - séparation fonctionnelle entre réseau de communications et services,
11 - accélération de la diffusion du haut débité pour tous les Européens,
12 - encouragement de la concurrence sur les réseaux d'accès de nouvelle génération.

Les mesures portant sur la protection des citoyens contre les abus adminisratifs, des opérateurs et des pollueurs sont les bienvenues.

Mais la plupart de ces mesures sont le résultat de trois débats différents:
- la concurrence,
- la protection des consommateurs,
- le déploiement des réseaux d'accès de nouvelle génération.

Obsédés par la concurrence, les autorités européennes privilégient l'équité entre opérateurs à la satisfaction des besoins des consommateurs citoyens. Cela les empêchent de mettre en oeuvre les outils d'une société d'économie mixte* vraiment efficaces à la protection des consommateurs et au déploiement des réseaux d'accès de nouvelle génération. Le compromis porté par l'accord sur le nouveau paquet télécoms n'est pas satisfaisant.

Concurrence

Les rédacteurs du traité constitutionnel européen ont tenté d'embarquer la validation du modèle unique du marché libre et non faussé dans le paquet de la réforme institutionnelle. En France, c'est le référendum qui a été choisi comme mode de ratification. Le pays s'est rarement approprié un débat européen avec tant de force. Après des mois de campagne, les Français ont refusé leur signature. Les citoyens qui ont toujours voté pour les avancées de l'Union, mais qui n'acceptent pas la disparition de leur modèle de société mixte de marché encadré et d'économie publique ont fait pencher la balance pour un résultat sans appel.

Le modèle unique de la concurrence libre et non faussée a été rejeté par l'Union européenne - et non seulement par la France comme la presse aime à présenter cet acte citoyen. Mais la conduite de l'Union ignore toujours cette société mixte avec
- le marché libre et non faussé dans les domaines où cela est possible,
- la démocratie publique dans les domaines où cela est nécessaire.

Tant que l'Union ne prend pas conscience de cette exigence citoyenne, elle ne parviendra pas à réaliser son ambition. Mais elle persiste dans l'erreur et la faiblesse de la participation aux élections européennes n'a pas permis d'élire au parlement la majorité susceptible de porter cette exigence.

Protection des consommateurs
La concurrence est présentée comme le seul moyen pour assurer la meilleure réponse aux besoins du consommateur.
Le secteur des télécommunications, après une centaine d'années de régulation et de gestion publique coordonnée au niveau national, est régulé par des institutions administratives qui faussent la concurrence pour produire de l'équité entre opérateurs. Résultat, la France, après avoir réussi à financer le réseau le plus moderne au monde par une administration publique sans impôt, les collectivités locales doivent aujourd'hui mobiliser près de deux milliards d'euro par an pour lutter contre la fracture numérique et la mise en place des réseaux d'accès nouvelle génération est bloquée.
Aujourd'hui, les consommateurs sont perdus dans une multitude d'offres faussement diversifiées. Les opérateurs abusent de mots comme "illimité" et les clients ne comprennent pas les termes des contrats qui leur sont imposés. Il sera impossible d'informer correctement les consommateurs sans imposer une forme unique de contrat suffisamment simple.
Les autorités nationales de régulation ne sont d'indépendantes que de nom. Elles sont formées dans l'opacité la plus administrative et soumises aux lobbies les plus pluissants. Avec la formation d'une nouvelle instance européenne, cette indépendance sera encore plus soumise aux intérêts des opérateurs du secteur.

La protection des consommateurs n'a rien à gagner avec l'affirmation de "l'indépendance" du régulateur au mépris de la transparence démocratique. Il faut des institutions élues par les corps constitués du secteur: opérateurs, salariés, consommateurs, représentants de l'Etat. Pourquoi pas une institution européenne? Cela obligerait les corps constitués à s'organiser au niveau européen et à intervenir aux yeux de tous.
Réseaux d'accès de nouvelle génération

Les services, de plus en plus riches, exigent des réseaux de plus en plus rapides et de bonne qualité. La régulation actuelle ne permet pas de mettre en place les réseaux d'accès de nouvelle génération qui permettent de déployer les nouveaux services auprès de tout le monde et qui luttent contre la fracture numérique, qu'elle soit sociale ou territoriale.
Les collectivités locales en France évaluent à trente milliards d'euro le cablage universel en fibre optique. La mesure visant à séparer le secteur "réseaux" du secteur "services" peut être ne bonne mesure. Elle est risquée socialement en déstabilisant l'organisation sociale, mais elle peut permettre la constitution d'un opérateur public en charge des réseaux d'accès sur un territoire donné
- le pays au moins pour une péréquation efficace
- financé par les ventes aux opérateurs de services.

Cet opérateur public hériterait de tous les réseaux d'accès existants et devrait installer la fibre optique et les relais mobiles sur tout son territoire. Ainsi, n'importe quel client pourrait choisir son opérateur de services et tous les opérateurs pourraient faire de n'importe quel utilisateur potentiel son client. Cette architecture est productrice de vraie concurrence contrairement à l'organisation actuelle qui, en plein centre de Lyon par exemple, rend impossible le choix d'Orange faute de disponibilité d'équipement et rend obligatoire le choix imposé de Numéricâble pour ne pas à avoir à financer l'installation d'une parabole.

Les syndicats du secteur des télécommunications reculent devant les risques sociaux que présente cette solution. Mais c'est la seule alternative au modèle paralysant actuel, y compris dans sa forme proposée par les mesures du nouveau paquet télécoms. Pour réussir, il faut que gauches politique et syndicale portent ce projet. Dans la période présente de reconstruction, c'est un sujet stratégique, autant sur le plan européen que national.
* Le traité constitutionnel européen imposant une société de concurrence libre et non faussée a été refusée par la France, et donc par l'Europe selon les règles de décision actuelles. Mais les autorités européennes font comme si cette société avait été acceptée. Elles n'imaginent même pas le recours à une organisation mixte d'un secteur comme celui des télécommunications refficiente à chaque fois qu'il faut financer l'accès à un service sans faire supporter un coût exorbitant aux citoyens les plus "éloignés".