lundi 16 septembre 2013

Pour quoi nous travaillons

Si une vision synthétique est nécessaire au syndicaliste pour conduire son activité, le regard au plus près constitue le seul moyen de répondre au besoin collectif d'appropriation de son travail. Quand la CGT interroge le travail, elle accompagne ses militants dans leur parcours vers une démarche opérationnelle et les invite à inventer les moyens de transformer le travail avec les salariés.

Pour quoi nous travaillons? (Guaspare, et al., 2013)
Après la présentation d'un certain nombre de situations réelles, ce petit livre, "Pour quoi nous travaillons", montre comment le travailleur fabrique le travail réel, quel que soit sa position dans l'organisation qui l'emploie et lui prescrit son travail. Les grèves du zèle qui consistent à suivre scrupuleusement le travail prescrit et bloquent ainsi la production montrent bien le pouvoir des salariés sur le travail. Ils ont le pouvoir d'installer une démarche préventive pour protéger leur santé physique et mentale des dégâts produits par les organisations du travail imposées pour la rentabilité financière à court terme.

La crise financière qui frappe l'Europe est instrumentalisée pour faire accepter aux salariés qui ont un travail de travailler plus et de gagner moins, d'accepter d'aller travailler loin de leur domicile quel que soient les conditions ou de quitter l'entreprise (accord national interprofessionnel dit de sécurisation de l'emploi). Mais seul le travail humain est créateur de richesse et les politiques de compétitivité qui fleurissent en Europe ignorent le surcoût du capital (Cordonnier, Dallery, Duwicquet, Melmiès, & Vandevelde, 2013) bien réel.

Percevoir et comprendre les changements qui s'imposent au travail constitue un enjeu essentiel pour transformer le travail. Et les auteurs mettent à jour les leviers de cette transformation et tracent les pistes d'une politique du travail à l'échelle européenne. Un blog (pourquoinoustravaillons.com) doit animer la mouvement et permettre de prolonger la lecture de ce livre par l'échange.

Un livre m'a grandement fait avancer dans l'appréhension de ce qu'est l'entreprise: Refonder l'entreprise (Segrestin & Hatchuel, 2012). Il montre que la propriété du capital sur l'entreprise n'est pas légitime en soi. Le prix du travail dans la valeur ajoutée est clairement affiché dans le compte d'exploitation de l'entreprise. Le prix du capital dans l'investissement est introuvable. De plus, la plupart du temps, le capital n'est pas la seule source d'investissement. Le crédit et la valeur ajoutée constituent deux canaux non négligeables alimentés par la valeur ajoutée produite par le travail. Et le capital n'intervient qu'en caution pour les crédits remboursés par l'entreprise. Ce sont des sujets à travailler pour expliciter le coût des facteurs de production et construire une économie juste et efficace.

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Guaspare, C., Léger, J., Bongiorno, Y., Le Douigou, J.-C., Mansouri-Guilani, N., Naton, J.-F., et al. (2013).  Pour quoi nous travaillons?  Ivry-sur-Seine: les éditions de l'Atelier & les éditions Ouvrières.
Cordonnier, L., Dallery, T., Duwicquet, V., Melmiès, J., & Vandevelde, F. (2013). Le coût du capital et son surcoût. Université de Lille 1. Lille: Institut de recherches économiques et sociales.
Segrestin, B., & Hatchuel, A. (2012). Refonder l'entreprise. Paris: Seuil.