lundi 14 octobre 2013

La grande usurpation

Si la propriété publique des moyens de production a montré quels dangers elle faisait courir à la société, la propriété privée des moyens de production n'en finit pas de faire souffrir le monde.

Capital et travail, les facteurs de production ont tous deux leur nécessité: pas de travail possible sans investissement, pas de richesse possible sans travail. Le capital sans travail perd sa valeur; le travail ne peut pas s'exercer sans capital.

Faut-il pour autant supporter le monde tel qu'il est, considérer la crise comme une fatalité? Nos démocraties ouvertes à l'alternance ne parviennent pas à générer une alternative qui permette à chacun d'accéder aux richesses du monde d'aujourd'hui. Elles se perdent dans les monstruosités fascistes au marketing policé.

La première action d'un nouvel entrepreneur est d'endetter son entreprise. La plupart du temps, le financement de l'entreprise ne vient pas de la mise de fond, mais de ce crédit que l'entrepreneur a su obtenir de la banque, des organismes publics que son projet a séduits. Et c'est bien la valeur ajoutée qui va rembourser capital et intérêts. Le capitaliste, avec une mise de fond minimale n'intervient que comme caution. Il n'a aucune légitimité de propriété sur une personne juridique autonome.

Le prix du capital s'évalue au travers de rapport de ce qu'il coûte à ce qu'il rapporte.

  • Une partie du capital est apportée par l'actionnaire qui donne lieu légitimement à une part de propriété de la société, pas de l'entreprise, valorisée de gré à gré si la société n'est pas cotée ou à la bourse. L'usage veut que l'actionnaire touche des dividendes sur les bénéfices.
  • L'autre partie est apportée par la banque ou assimilé qui n'obtient que des intérêts.
Quand l'actionnaire fait une plus-value sur la valeur des ses parts dans la société, il ne coûte pas à l'entreprise et le nouvel actionnaire n'apporte rien à l'entreprise. Le coût du capital propriétaire de la société est bien le rapport entre la somme des dividendes touchés (D) sur la mise de fond initiale et les augmentations de capital (K). Le coût du capital apporté par le système bancaire est le rapport des intérêts (I) sur le capital prêté (K'). Le coût du capital est donc (D+I)/(K+K'). Le dénominateur de ce rapport est invisible dans les documents de l'entreprise. Seul le numérateur, la charge financière, apparaît dans le compte d'exploitation.

Les charges sociales seraient trop lourdes pour l'entreprise?
Non, pas pour l'entreprise, mais pour la société des actionnaires.

C'est bien le travail qui produit la valeur ajoutée. C'est lui qui rembourse les intérêts des crédits, assure l'entretien et le développement du capital interne à l'entreprise mesuré dans le bilan. Le coût du travail est facile à calculer, il est clairement donné dans le compte d'exploitation: c'est la masse salariale (salaire net,  cotisation salariale et cotisation patronale dite charge sociale) divisée par la valeur ajoutée.

La grande usurpation c'est la propriété de la société (l'association de défense des actionnaires) sur l'entreprise (personne morale indépendante). Cette propriété est illégitime. L'intervention des salariés n'est pas seulement une revendication de démocratie expression d'un projet de société, mais l'objet d'un droit objectif qui doit être reconnu.