mercredi 9 mars 2011

Le coût du capital

La CGT a répondu au rapport Migaud prônant un rapprochement de la fiscalité française vers l'allemande au nom de l'efficacité économique: comparaison France/Allemagne, on nous fait le "coup" du travail. Cet échange montre à quel point il est possible de manipuler les chiffres pour prouver une intention. Le rapport Migaud abuse des chiffres relatifs et efface la réalité absolue.

Quelle est l'intention qui justifie le rapport Migaud? Il s'agit pour le gouvernement de justifier, comme pour la réforme des retraites, une réforme de la fiscalité qui pénalise les revenus du travail au profit des revenus du travail et augmente les profits largement accaparés par les actionnaires ou les circuits financiers.

Gouvernement et patronat veulent encore démontrer que le coût du travail français est la cause de l'inefficacité de l'économie française. Ils veulent encore convaincre les progressistes conscients du fait qu'il n'est pas de partage des richesses sans création de richesses que l'augmentation des profits est l'unique source de l'efficacité économique. Or les trente dernières années prouvent le contraire: malgré l'augmentation des profits l'emploi n'est pas à la hauteur de la démographie, l'industrie disparaît, l'Etat s'endette, les entreprises peinent à réaliser le modèle économique sur lequel elles sont bâties, l'inégalité explose laissant de plus en plus de personnes dans la rue, sans ressources.

Pour que les profits alimentent les emplois, il faut qu'ils s'emploient dans l'investissement. Et c'est de moins en moins le cas pour la part des profits distribués en dividendes.

D'autre part, le capital coûte de plus en plus cher. Depuis 1981, le capital (dividendes et intérêts) prélève vingt points de plus sur la valeur ajoutée passant de 15 à 25%.

Les profits sont pourtant bien les investissements de demain pour des emplois d'après-demain! Qu'est-ce qui n'a pas marché durant ces trente dernières années? Les profits ont bien augmenté depuis 1981, la masse salariale étant passée de 74 à 66%. Mais où est passé ce supplément de profit?

En fait, en France, la masse salariale s'est effondrée de 8 points très rapidement en moins de cinq ans. En même temps, nos technocrates financiers ont inventé plein de produits financiers nouveaux et de plus en plus indépendants de l'économie réelle. Ces nouveaux produits financiers ont détourné le surplus de profits de l'industrie. Ils ont créé une économie strictement financière sans lien avec l'économie réelle jusqu'à la dernière crise des "subprime": le financement de dettes pourries.

Les profits ne sont pas le problème. C'est leur emploi qu'il faut corriger et soumettre à l'intérêt général. En matière de comparaison France/Allemagne, comparons plutôt les circuits de financement de l'économie réelle - il faut bien qualifier le mot économie depuis les débordements créés par la finance. Les Allemands disposent de caisses d'épargne gérées par le corps social local qui permet de mettre à la disposition de l'industrie locale les finances dont elle a besoin.

Mais les investissements ne suffisent pas à dynamiser l'économie réelle. Il faut les débouchés, les marchés suffisants pour absorber la production. Et la baisse des salaires, le palliatif de la dette devenant invivable à cause de son poids, a asséché le marché. Or les salaires d'aujourd'hui sont le marché de demain et l'emploi d'après-demain.

Le coût du capital est trop ignoré et le bénéfice du travail sous estimé. Les cahiers revendicatifs de la CGT donnent la cible qu'il faut viser, le cap d'un projet progressiste que les organisations syndicales, les élus et mandatés syndicaux doivent mettre en musique.